Les diamants de couleur sont la nouvelle folie du marché de la haute joaillerie. Plongée dans un monde où « j'aime » s'écrit « gemme »...
Du fond de la pièce, cette bague brille comme nulle autre pareille. Un diamant bleu sur une monture platine et rehaussé de deux diamants blancs taillés en poire. Tel l’œil de Sauron qui illumine le Mordor et appelle la communauté de l’Anneau à le rejoindre, ce diamant bleu nous attire. Un « fancy blue » selon la nomenclature qui régit ce domaine si particulier que sont les diamants de couleur. Nous ne sommes pas ici dans une boutique qui donne sur la rue, mais bien dans un showroom très anonyme et pourtant hyper sécurisé. L’adresse, rue de la Paix, affiche elle aussi sa couleur. Bienvenue dans le monde feutré de la haute joaillerie. Il faut être observateur pour apercevoir le discret panneau De Beers.
Le premier producteur mondial de diamants est aussi, depuis 2001, une marque qui n’a pas eu besoin de se faire un nom. « On achète les plus beaux diamants du monde, et les autres prennent ce qu’il reste », se vante Andrew Coxon, président du De Beers Institute of Diamonds, une référence mondiale en la matière. On le croit bien volontiers, à la vue des centaines de pierres exposées dans la salle. Pour lui le diamant de couleur, c’est le nec plus ultra. Ces pierres d’une rareté exceptionnelle très prisées ces dernières années s’arrachent à prix d’or. « Ce marché se rapproche plus de celui de l’art, ce sont des collectionneurs et de véritables amateurs qui sont nos principaux clients », précise le spécialiste des choses qui brillent. On estime qu’il y a un diamant de couleur pour 10 000 diamants incolores. Le prix au carat peut ainsi atteindre jusqu’à 50 fois celui d’une pierre « blanche ». Comme les diamants incolores, ces pierres sont extrêmement solides. Tous les types de tailles et de formes sont possibles afin de redonner leur éclat et leur beauté à ces gemmes exceptionnelles. Chaque diamant est désigné par une de ces 4 appellations : « fancy light », « fancy », « fancy intense », ou « fancy vivid » en fonction de son intensité. On peut ainsi entendre parler d’un « fancy yellow » pour désigner un diamant jaune ou d’un « fancy light red » pour parler d’un diamant rouge à l’intensité moindre. « La différence est importante d’une catégorie à l’autre, le prix peut varier de plusieurs centaines de milliers d’euros », précise le dirigeant du De Beers Institute.
Mais les spécialistes vous diront que le diamant de couleur reste avant tout une histoire d’amour. « C’est lui qui vous choisit. C’est un partenaire de vie », livre Andrew Coxon un peu taquin. « Une femme qui s’exclame : “C’est superbe, c’est merveilleux”, ne prendra pas cette pierre, croyez-en mes 42 ans d’expérience », abonde Alain Kimmerlé diamantaire à Paris. « L’œil doit vibrer pour la couleur, il faut que la pierre suscite une exaltation », explique ce gemmologue gouailleur. « Mais le vrai plaisir, c’est de les toucher, de découvrir ces pierres avant qu’elles soient montées en bijoux », s’extasie cet amoureux des gemmes. Deux pierres se présentent alors à nous. Un diamant rouge de 1,06 carat et un diamant rose de 2,48 carats, d’une valeur respective de 4 millions et 3 millions d’euros. Dans la main, ils ne pèsent rien mais étincellent. Spectacle irréel. Les mots d’Andrew Coxon nous reviennent alors à l’esprit. « Si vous avez le désir d’avoir un diamant, le désir sera toujours plus grand. » Effectivement.
Les diamants de couleur se dénichent principalement dans la mine d’Argyle, en Australie, pour les diamants roses, au Lesotho pour des diamants bleus et verts. Pour qu’un diamant prenne une couleur particulière, il faut qu’une réaction chimique se soit produite sur la pierre avec des éléments comme le fer ou l’aluminium, suivant la couleur. Sans oublier une température et une pression particulières, ce qui explique leur grande rareté.
Adjugé 83,2 millions de dollars (72 millions d’euros) en 2013 chez Sotheby’s à Genève, L’Étoile rose (Pink Star), rebaptisée Le rêve rose (Pink dream) de 59,60 carats est le diamant (mais aussi le bijou) le plus cher jamais « vendu » aux enchères. Il a été extrait en 1999 en Afrique par De Beers. Taillé en 2003, il a été vendu une première fois en 2007. Ce diamant avait zéro défaut… sauf le défaut de paiement ! N’ayant pas réussi à réunir l’argent nécessaire, l’acheteur a fait faux bond ! Plus de deux mois après la vente, ce diamant d’exception est alors devenu un caillou bien dur dans la chaussure de la salle de vente. La vente a été annulée et le diamant est réapparu dans les comptes de la grande maison. Il est toujours là.