Me sera-t-il pardonné de céder au penchant de l’anthropomorphisme afin d’insuffler une généreuse part d’humanité à de splendides montres ? Probablement, car les connaisseurs savent de source sûre que les créations horlogères sont vivantes et qu’elles possèdent un caractère qui leur est propre. Dès le premier regard et tout au long de nombreuses années de vie commune, un garde-temps de belle facture exprime sa personnalité et son individualité. Si vous souhaitez vous en convaincre, disposez côte à côte le Tourbillon Carrousel de 2013 et le nouveau L-evolution C Tourbillon Carrousel. Les principes fondamentaux de ces deux mouvements sont identiques : ils associent dans un même mécanisme un tourbillon volant une minute et le carrousel volant une minute exclusif à Blancpain (néanmoins, comme nous le verrons dans un instant, leurs mouvements sont entièrement différents et les principaux composants ont été complètement redessinés sur le L-evolution C). Malgré les similitudes de leur conception, ces deux montres cultivent une forme d’expression totalement distincte. Le Tourbillion Crrousel original est le digne représentant d’une lignée aristocratique. Il souligne sa noble ascendance et son classicisme par une discrétion de bon aloi. N’appartient-il pas de plein droit à la collection Le Brassus, fière de ses traditions, qui associe cet éventail de qualités dans une parfaite harmonie ? À l’inverse, le L-evolution C Tourbillon Carrousel s’affirme sous la livrée d’une montre de commando, aux lignes fortes et aux angles vifs. Sans se référer au passé, il assume pleinement son caractère contemporain et se conjugue uniquement au présent.
Avant de nous pencher sur le mouvement, qui se caractérise par ses contours audacieux et ses surfaces inclinées, intéressons-nous un instant au boîtier qui s’écarte de tous les designs antérieurs de la manufacture moderne Blancpain. Comme la marque a témoigné au cours des trente-cinq dernières années d’une constante fidélité aux boîtiers ronds dans ses collections masculines, l’observateur remarque aussitôt que les modèles C s’affranchissent de cette règle et que leur boîtier en platine brossé se singularise par des renflements athlétiques à 12, 3, 6 et 9 heures. Cette apparence inédite est encore accentuée par les angles aigus situés aux points de rencontre entre les cornes et le boîtier. Le bracelet, qui épouse parfaitement les lignes de la montre, met également en valeur l’intrépidité du design.
Malgré la force expressive recelée par les lignes du boîtier, des cornes et des attaches de bracelet, l’identité visuelle de la montre est dominée par la nouvelle esthétique du mouvement. Les ingénieurs de Blancpain ont conçu des ponts ajourés aux angles vifs qui apparaissent dans un cadran réduit à un rehaut. Sur la face du garde-temps, de larges ouvertures dans la platine permettent de contempler le tourbillon et le carrousel ainsi que les barillets et les composants essentiels du rouage. Même si le L-evolution C Tourbillon Carrousel comprend la même combinaison que le Tourbillon Carrousel de 2013 – un tourbillon sept jours et un carrousel sept jours associés à un mouvement à remontage manuel – le nouveau modèle L-evolution C exigeait une refonte complète des principaux éléments du mécanisme.
À cet égard, les détails de décoration abondent. Harmonisés avec les angles nets et un fin travail d’ajourage, les bords de la platine et des ponts sont nettement délimités et arborent une finition sablée délicatement grenée connue sous le nom de « grenaillage ». Il existe cependant un lien étonnant entre cette apparence à l’audace contemporaine et les traditions horlogères qui fleurissaient il y a plus de deux cents ans. À la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe, la technique du grenaillage, alors exécutée à l’aide d’or et de mercure, bénéficiait de la faveur des horlogers. Elle était généralement utilisée sur les platines et les ponts afin de doter le mécanisme d’une excellente protection contre la corrosion. Aujourd’hui, en l’absence d’or et, naturellement, de mercure, le grenaillage donne une impression extrêmement moderne, en particulier quand il adopte une couleur sombre obtenue par l’entremise d’un procédé galvanique. La forme des vis représente un autre détail qui atteste de l’attention portée à l’esthétique de la montre. En lieu et place d’exemplaires dotés d’une classique tête ronde, Blancpain a jeté son dévolu sur des vis dont les têtes présentent des contours hexagonaux.
Les formes et les finitions de la platine ou des ponts ne sont pas les seuls éléments qui démontrent à quel point ce mouvement diffère du premier Tourbillon Carrousel, car les composants de ces deux dispositifs ont été entièrement repensés. Contrairement aux tourbillons et aux carrousels antérieurement construits par Blancpain, la structure des bras des deux cages en acier brossé a été ajourée. Ces ouvertures angulaires font écho aux ajourages des ponts et dévoilent au regard les pièces situées au niveau inférieur. Un autre détail de décoration ravira également les connaisseurs qui remarqueront la lyre découpée au laser sur la cage du carrousel avec la signature emblématique de Blancpain « JB ». C’est la première fois qu’un composant aux dimensions aussi réduites et d’une telle finesse est réalisé à l’aide de ce procédé. D’un diamètre identique, les deux balanciers arborent un traitement de couleur noire, connu sous le nom de « Black Or ».
Afin de renforcer la séduction visuelle du nouveau calibre, le tourbillon et le carrousel s’élèvent de 1,35 millimètre au-dessus des ponts du mouvement. Ils apparaissent ainsi presque à la hauteur des aiguilles, qu’ils ne peuvent, naturellement, atteindre. L’effet optique est saisissant, les deux cages tournantes semblent flotter juste sous la surface du verre saphir et se situent effectivement à un niveau supérieur au rehaut qui sert de cadran.
Assurément, ces modifications ne portent aucunement atteinte à la fonctionnalité des deux organes régulateurs ni à la manière dont ils œuvrent de concert. Tant le tourbillon que le carrousel mettent en rotation constante leurs composants respectifs de la mesure du temps (le balancier, le spiral et l’échappement), qui effectuent un tour complet par minute afin de compenser les erreurs de marche dues à la force gravitationnelle lorsque la montre se trouve en position verticale. Même si le principe de la rotation en soi est aisé à comprendre, le tourbillon et le carrousel sont des dispositifs à la conception et à la construction complexes, plus encore lorsqu’ils sont dotés de cages dites « volantes » (dépourvues de pont supérieur, elles font reposer entièrement la rotation sur les roulements à billes en céramique situés du côté de la platine). Comme il existe des positions verticales dans lesquelles la montre prend régulièrement de l’avance sous l’influence de la gravité et d’autres dans lesquelles elle tend à retarder légèrement pour le même motif, la mise en rotation permanente sur 360 degrés des éléments de l’organe réglant permet à ces erreurs de s’annuler d’elles-mêmes. De semblable manière, les informations transmises par les deux dispositifs sont associées dans un différentiel qui détermine la moyenne de leurs marches. Ainsi, en prenant comme hypothèse que le carrousel avance de deux secondes par jour tandis que le tourbillon accuse un retard de deux secondes pendant le même laps de temps, la marche résultante sera de plus/moins zéro seconde par jour, soit la moyenne mathématique de ces deux valeurs.
Le lecteur qui souhaite parfaire ses connaissances sur la construction du tourbillon et du carrousel ainsi que sur la manière dont les éléments de l’organe régulateur diffèrent d’un dispositif à l’autre se reportera à l’article consacré au Tourbillon Carrousel paru dans le numéro 14 des Lettres du Brassus
Le système de remontage possède un point commun avec le précédent Tourbillon Carrousel. Comme son prédécesseur, le mouvement recourt à deux barillets. Le premier stocke l’énergie destinée au tourbillon alors que le second assume la même fonction pour le carrousel. Lors du remontage manuel, la couronne d’armage, qui adopte la forme d’un large anneau extérieur et est supportée par quatre galets en rubis surmontés de disques en acier (trois disposés aux points de plus grande tension et le quatrième situé de manière adjacente à l’axe de la couronne), remonte simultanément les deux barillets. Ces composants présentent cependant une innovation, car ils sont ouverts afin d’être visibles depuis les deux côtés de la montre. En outre, ils sont dotés d’un couvercle et d’un tambour qui arborent la célèbre roue à jante des mouvements de Blancpain.
Le cadran adopte l’aspect d’un cercle étroit qui dissimule patiemment sa complexité jusqu’au moment où le propriétaire prend le temps d’examiner minutieusement sa montre. Le rehaut est en effet délicatement anglé vers l’intérieur et possède un profil trapézoïdal. Les index et les chiffres appliqués s’inclinent ainsi vers les composants du mouvement exposés au regard sur le niveau inférieur. D’autre part, le cadran présente également un discret effet bicolore. Le corps du rehaut est gris sombre alors que les éléments supportant les chiffres se détachent visuellement par leur teinte noire. Les index et les chiffres recèlent un autre sujet d’étonnement. Ils sont remplis d’une formule inédite de Super-LumiNova qui apparaît d’une teinte vert pâle pendant la journée avant de se transformer la nuit et de luire dans une superbe nuance bleutée.
Ce nouveau modèle possède un diamètre de 47,4 millimètres et il se porte sur un bracelet en alligator.
Le L-evolution C Tourbillon Carrousel est un garde-temps exclusif qui s’adresse aux connaisseurs. À ce titre, il ne verra le jour que dans une édition strictement limitée de 50 exemplaires.