Il n’est ni précieux, ni rare, ni inoxydable et pourtant on en fait des boîtes de montre. Le bronze n’a aucun des attributs qu’exige l’horlogerie et cela ne l’empêche pas de connaître un franc succès. Alliage fait de cuivre, de zinc et parfois d’autres métaux qui affinent ses propriétés, le bronze est utilisé depuis plus de cinq mille ans...et quelques siècles en horlogerie. Aujourd’hui, on en fait des balanciers, dans un alliage au béryllium nommé Glucydur. Il se dilate très peu à la chaleur et a donc pris une place spéciale dans le mouvement. Comment le bronze en est-il venu à habiller nos montres ? En bateau ! Le bronze est le métal de prédilection des fabricants d’accastillage. Comme il résiste bien à l’usure, les pièces métalliques de pont (anneaux, hampes, manilles ou hublots) en sont faites. Il s’est logiquement installé dans l’univers des montres associées à la mer et en particulier de plongée. Cela semble contre-intuitif mais il y a un truc. Le bronze n’est certes pas inoxydable, mais il se recouvre naturellement d’une fine couche oxydée, stable et qui le protège.
Variable
De ce paradoxe naissent trois avantages. Le premier est que le métal garde son intégrité structurelle. On peut donc en faire des boîtes de montre. Le second est que le bronze, étant un alliage, présente diverses couleurs selon sa composition. Il varie du jaune rosé proche d’un or rose 4N à un gris chaud en passant par un marron profond. Enfin, cette oxydation limitée produit un effet merveilleux : il se patine. Le bronze est donc vivant. Sa teinte change avec le temps et le traitement que subit sa surface. Cela rend chaque montre unique si l’on regarde d’assez près. Et l’on peut même travailler sa patine à la main, comme avec des souliers.
Chaud ou sombre
Pour la plupart des marques, en particulier les pionniers Anonimo et Panerai, le choix se porte vers une teinte chaude et une finition de surface satinée. Les fines veines tracées dans le métal sont autant d’encoches où l’oxydation se dépose. L’apparence de la montre n’en est que plus riche. Zenith a choisi une variante plus jaune pour sa Pilot Type 20 Extra Special, proche de celle qu’IWC a choisi pour son Aquatimer Chronographe Edition "Expedition Charles Darwin" . Urwerk est parti vers une teinte plus sombre, proche des bronzes d’art. Elle est d’autant plus forte que le bouclier qui recouvre l’UR105 T-Rex est tout sauf lisse. Profondément gravé, comme les écailles d’un saurien géant, il est plus clair au fond des rainures qu’à sa surface. Mais c’est Bell&Ross qui a certainement poussé la patine à son paroxysme. Sa BR01 Skull Bronze Tourbillon, pièce unique présentée à Only Watch, est carrément vert-bleu. Avec un peu d’huile de coude et l’oxydant adapté, on peut recréer cet effet unique.
Malgré tous ces avantages, l’oxydation naturelle du bronze a quelques effets pervers. Le premier est qu’il a une odeur. Bien imprégnée de transpiration, et cela arrive en été, la montre se met à sentir le métal oxydé. Et comme la teinte varie, la couleur peut déteindre. Il faut donc éviter de mettre sa montre moite sur une chemise claire : les manches vous le feront regretter. Mais le sujet le plus préoccupant concerne les allergies. La parade est simple : les fonds de boîte en bronze sont... en titane. Il est biocompatible et au passage allège les montres, pratique puisque le bronze est 10% plus lourd que l’acier. Dernier sujet à surveiller : la température. Tout comme le titane, le bronze est fortement conducteur de chaleur. Il l’accumule plus facilement que l’acier. En été, votre montre sera plus chaude que le poignet.