Modernité ? Le terme est glissant, insaisissable. Souvent opposée à la Tradition, elle semble parfois destructrice. Et pourtant. Il y a dans l’esprit horloger helvétique une façon toute particulière de les faire s’épouser. C’est ce trait, persistant, qui revient en filigrane dans l’histoire de la manufacture Girard-Perregaux qui fête, cette année, ses 225 ans.
L'or d'une belle époque
Le tourbillon sous trois ponts puis l’Esméralda en sont certainement les exemples les plus probants. Maîtrisant parfaitement la technique de la si célèbre complication inventée par Breguet, Constant Girard bâtit dès 1860 les piliers de ce sens du moderne en créant une architecture de mouvement unique en son genre pour l’époque. Trois ponts jetés comme des passerelles vers un futur où innovation technique et esthétique façonnent cet esprit de la mécanique contemporaine. D’une précision inégalée, le garde-temps se verra couronné par un 1er prix au concours de l’Observatoire de Neuchâtel en 1867 et conservera son titre de longues années durant.
Le métal précieux qui remplace le maillechort des premiers ponts augure le brillant destin de son concepteur. Affinés, bercés, élancés comme une tour Eiffel, ils soutiennent avec légèreté une architecture audacieuse, presque minimaliste, qui met en scène, sublime, la mécanique horlogère. La modernité technique et esthétique de ce mouvement exceptionnel est devenue immortelle puisqu’il est le plus ancien calibre au monde à être encore produit dans sa structure générale originelle. Couronné d’or lors de l'Exposition universelle de Paris en 1889, il deviendra la mythique Esméralda. Ce morceau de l’histoire horlogère voit, aujourd’hui, naître sa digne héritière. Portant le nom héroïque de sa célèbre aïeule, l’Esméralda Tourbillon reprend à l’identique ses fabuleux atours mais cette fois pour se ceindre au poignet. Un monument qui s’admire comme une cathédrale à travers l’intelligent verre cheminée, mais surtout, qui se porte et se ressent.
Sous le soleil
Après les multiples prix des tourbillons sous trois ponts, la maison s’illustre à nouveau en 1965 en présentant le premier calibre haute fréquence de grande production, cadencé à 36'000 alternances par heure (5 Hz), le Giromatique HF. Breveté en 1957, ce bijou d’ingéniosité équipera de nombreux modèles aux formes épurées et toutes en rondeur. En 2016, La 1957, une nouvelle édition de 225 pièces inspirée de ces premiers exemplaires, rend hommage tant à l’innovante technique de son cœur qu’aux courants esthétiques des sixties. L’ovale de sa boite, le bombé à la naissance du cadran, les index en acier poli : le charme des années 60 est là, indéniable. Mais l’esprit qui l'habite est moderne, et mêle à cette inspiration un style vintage contemporain. Les cornes légèrement biseautées, le cadran champagne soleillé et les index se posent sur celui-ci comme des griffes sertissant l’astre du jour. A l’intérieur, invisible, cachée derrière son masque doré, la beauté de la précision, raison de vivre de cet art mécanique, ne se voit jamais mais se laisse écouter. Les horlogers l’entendent et la cherchent comme un trésor. Cette quête de l'exactitude, la maison Girard-Perregaux en a fait sa plus grande obsession.
Le lauréat
C’est cette obsession justement qui fait de Girard-Perregaux un lauréat en série. La quête de la précision se poursuit et va, en 1971, annoncer un tournant radical dont la maison à la modernité exacerbée sera pionnière. Des vibrations cristallines dessinent les contours d’une nouvelle ère de l’horlogerie. Elles résonnent comme la promesse d’une exactitude jamais égalée. Ce calice magique et minéral, c’est encore la manufacture qui le façonnera à son image, établissant de façon universelle sa fréquence à 32'768 Hz grâce à son calibre GP350.
Cet avant-gardisme, s’il est sans conteste technique, est aussi esthétique. Et en 1975 c’est l’acier qui donne aux formes industrielles initiées par Gérard Genta, la pourpre de cette révolution horlogère : Son nom, tiré du film « The Graduate » avec Dustin Hoffman, lui semblait prédestiné. La Laureato était née. Typique de son temps avec son boitier tonneau, son bracelet intégré et sa lunette aux formes si industrielles mi rondes mi octogonales, elle garde pourtant, la préciosité de ses origines. Par petite touche, l’or reste présent et encadre un temps moderne plus précis que jamais, grâce à son nouveau calibre 705 à quartz.
1981. La maison pressent le changement et le retour à l’art de la mécanique. Les formes de la jeune première évoluent, murissent et c’est en 1995 que la maison équipe la Laureato d’un calibre automatique extra plat, le GP3100. Quoi de plus naturel donc que de présenter cette année, pour les 225 ans de la maison, le meilleur de cette Madone. Reprenant l’essence même du modèle de 1975 et la mariant à celui de 1995, Girard-Perregaux exprime toute la modernité de cette grande dame en jouant de détails subtils. L’on retrouve avec gourmandise l’alternance des traitements polis et brossés du bracelet de 1995 mais aussi la délicate lunette originale et le cadran au décor clou-de-Paris initial de 1975, le tout animé par le GP01800-0005, spécialement conçu pour cette série anniversaire. Une icône contemporaine au regard soit azur soit argent qui ne sera produite, vous l’aurez deviné, qu’à 225 exemplaires de chaque.
Le prénom de Constant Girard agirait-il comme un totem, est-ce une force ou une obsession, quoi qu'il en soit, la constance innovante de la maison impressionne : C’est toujours cette volonté de marquer le temps, qui anime les femmes et hommes de la manufacture sise Place Girardet à La Chaux-de-Fonds. La quête de l’exactitude ne s’arrête jamais et Girard-Perregaux le prouve encore et toujours. Du Néo Tourbillon sous trois ponts d’or jusqu’au fascinant échappement à force constante en silicium, jamais la maison n’a cessé de surprendre ses contemporains. Traversant les siècles et les époques, elle peut fièrement exhiber son passé sans tomber dans une trop facile nostalgie.
Les 225 pièces uniques de la collection « Girard-Perregaux Place Girardet » en sont la meilleure des démonstrations. 225 visages, tous différents, sur lesquelles s’inscrivent les savoir-faire de cette bicentenaire de génie. Mais la constance aussi, encore et toujours. Comme cette cartouche en or marqué d’une année particulière et célébrant un évènement remarquable gravé au-dessus du pont de balancier. Comme ce même pont justement, celui de 1889, qui tient avec force le balancier à inertie variable Mircovar, l’une des dernières innovations technologiques de la manufacture dans son éternelle quête d’exactitude. Un voyage dans le temps main dans la main avec l’une de ses meilleures gardiennes et qui n’a jamais cessé d’être en avance sur son temps. 225 ans de Modernité, tout simplement.