Si la constance est une vertu, Chanel semble en avoir fait son adage. Pour la joaillerie, tout du moins. Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, voici donc une maison qui, depuis cinq ans, présente deux fois par an à Paris, pendant la semaine des défilés de haute couture, une collection précieuse, généralement forte, de plus d’un demi-modèle… Ainsi, l’entreprise a dévoilé, jeudi, dans ses salons de la place Vendôme, Les Intemporels, une ligne d’une trentaine de pièces conçues dans le droit fil des sujets joailliers qu’elle affectionne (le camélia, les nœuds, les étoiles, le lion). « Après la Biennale des antiquaires et avant le lancement, en juillet prochain, d’une collection traitant un thème inédit, nous voyons cette édition de janvier comme un moyen d’initier une nouvelle clientèle à la haute joaillerie Chanel, affirme Benjamin Comar, directeur international de la joaillerie. C’est pour cela que nous avons choisi de créer des variations, plus simples, plus légères, de nos pièces iconiques en les proposant à des prix qui sont, dans ce domaine, plutôt intermédiaires, entre 50.000 et 400.000 euros. » Traitée essentiellement en noir et blanc, cette collection brille par le volume harmonieux des bijoux. Bonne longueur des sautoirs et des pendants d’oreilles, justesse des proportions dans ces puissantes bagues Lion en onyx comme dans ces fins bracelets Nœuds aux rails aléatoires de diamants baguette… Cette saison, le « maigre » de Chanel ferait sans conteste le « gras » de bon nombre de maisons.
À quelques mètres de là, Boucheron (Kering), inscrit également au calendrier officiel de la Chambre syndicale de la haute couture, capitalisait sur l’un des piliers de son offre, Serpent Bohème. Pierre Bouissou, président de la société, annonce la couleur : « En janvier, nous mettons en lumière nos lignes phares avec quelques déclinaisons de haute joaillerie, tandis qu’en juillet nous dévoilons une collection inédite de modèles exceptionnels. » Après Quatre et ses manchettes serties de l’hiver 2014, le joaillier met donc en scène son animal fétiche, le déclinant dans un spectre de prix extraordinairement large : de 630 euros le simple anneau d’or jaune torsadé à 198.000 euros le bracelet serti de diamants. En haut de la pyramide, il ressort quatre variations de ce serpent stylisé créé en 1968. Outre deux joncs pavés surdimensionnés et bien vus, la marque présente deux colliers (en or jaune et or gris sertis) transformables. Dommage que le pendentif goutte, aménageable en broche, ne puisse être porté en monoboucle d’oreille XXL (144.000 euros).
Enfin, dernier inscrit sur le calendrier officiel, le suisse indépendant Chopard. « Haute couture et haute joaillerie partagent la même passion des savoir-faire d’excellence, affirme Caroline Scheufele, coprésidente et directrice artistique de la griffe. La synergie est évidente, ce sont les mêmes clientes. Une femme qui s’achète une robe à 50.000 euros, qu’elle portera une heure à un cocktail, peut s’offrir un bijou avec une belle pierre à 500.000 euros qu’elle conservera toujours. » Place Vendôme, la sélection est courte - une petite dizaine de pièces - mais donne à voir l’éventail du style joaillier de Chopard. Ainsi, dans le registre animalier, voici une exquise montre Hérisson dont les piquants en pierres de lune s’ouvrent sur un bébé hérisson entièrement serti de diamants (260.500 francs suisses, soit environ 250 .000 euros). Dans la même veine, citons ces exubérantes boucles d’oreilles paon, dont le plumage de cabochons multicolores de saphirs, de tourmalines Paraiba, d’émeraudes, d’améthystes illumine le visage moins douloureusement qu’un lifting (175.000 francs suisses, soit environ 167.500 euros). Aux côtés de deux modèles Green Carpet fabriqués en or équitable, la marque présente aussi deux-trois jolis cailloux. Comme cette bague « piscine » arborant une tourmaline Paraiba géante de 41 carats (629.000 francs suisses, soit environ 602.000 euros). Ou ces boucles d’oreilles uniques : une stricte dentelle de diamants qui retient deux émeraudes hypertrophiées de plus de 26 et 25 carats chacune. Comptez près de 2 millions de francs suisses, soit environ 1,9 million d’euros.
Hors calendrier ensuite, Bulgari (LVMH) et De Beers Jewellery (fruit d’un joint-venture entre le producteur de diamants De Beers et LVMH) ont présenté une poignée de modèles de grande facture. Le premier a montré sept créations fraîchement sorties de ses ateliers romains. À l’instar de ces deux colliers où tourmalines roses, améthystes parme taillées en perles, en dodus cabochons semblent être le produit d’une razzia dans un magasin de bonbons (à partir de 220.000 euros). Emblématique aussi cette somptueuse parure Serpenti en or jaune gravé, où le reptile est couronné de cinquante-cinq diamants marquise ronds (255.000 euros le bracelet). Quant au spécialiste du brillant, il a mis à l’honneur deux parures de haute joaillerie monochromes, blanc (or) sur blanc (diamants). Un dessin classique dans le premier set où De Beers agrège de multiples volutes et gemmes taillées en poire (786.000 euros le collier). Plus moderne, le second ensemble déploie des rayons de diamants sur une broche, manchette, bague et ras-de-cou dans un style néo-Art déco qui lui sied franchement mieux.