La haute joaillerie, unique, se différencierait donc d'une joaillerie reproductible. Pas si sûr. Dans beaucoup de maisons, les deux sont perméables. Chez Chanel Joaillerie, par exemple, toutes les pièces de haute joaillerie ne sont pas uniques, certaines sont reproduites en très petites séries. Du côté de De Beers, les bijoux sont au départ faits pour être uniques, mais il est possible de s'en inspirer pour créer des oeuvres sur mesure. « Les frontières sont d'autant plus difficiles à discerner que la haute joaillerie s'est mise à utiliser depuis quelques années des pierres moins prestigieuses, qui étaient traditionnellement réservées à la joaillerie", explique Michèle Heuzé, historienne du bijou.
PERSONNALITÉS RICHISSIMES
La manière la plus claire de faire la distinction serait donc de s'attacher au prix des pièces, directement lié aux pierres et matériaux utilisés. Il est rare de trouver un bijou de haute joaillerie à moins de 50 000 €. C'est même sur ce chiffre que beaucoup de professionnels s'accordent. Au-delà de ce palier, les prix de la haute joaillerie peuvent alors atteindre plusieurs millions d'euros. En 2010, Van Cleef & Arpels avait dévoilé une paire de boucles d'oreilles avec rubis de 27 carats de plus de seize millions d'euros.
Même à ces tarifs-là, la haute joaillerie trouve preneur. Asie, Moyen-Orient et Russie occupent le podium des clients les plus fidèles. Des personnalités richissimes que les marques tentent de séduire par tous les moyens, notamment lors de la Biennale des antiquaires (qui se tiendra en septembre au Grand Palais), événement incontournable de la profession depuis que les maisons créent des modèles spécialement pour l'occasion. Pendant dix jours, Cartier, Chaumet ou Dior exhibent leurs nouvelles collections dans des stands dignes de décors hollywoodiens. Personne ne ménage ses efforts. Ici, le mètre carré coûte 3 000 €. Lors de la dernière édition, Cartier en occupait 250. Un coût auquel s'ajoutent la conception des décors, les frais de déplacement de plusieurs dizaines de clients et journalistes pris en charge par la marque, les invitations au dîner de gala (où les tables se vendent 10 000 € et dont les recettes sont reversées à la Fondation des Hôpitaux de Paris)... "Il n'y a pas de limite au rêve", glisse-t-on place Vendôme.